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Transposition de la directive sur la distribution d’assurance : des mesures à anticiper en matière de ressources humaines

Affaires - Assurance
Social - Fonction rh et grh, Formation, emploi et restructurations
09/07/2018
Le décret du 1er juin 2018 relatif à la distribution d'assurances, qui complète la directive du même nom, impacte nombre de process RH. Eclairage…
Nouvelle pierre à l’édifice, le décret du 1er juin 2018 vient compléter la transposition en droit français de la directive sur la distribution d'assurances (DDA) mise en œuvre par l’ordonnance n°2018-361 du 16 mai 2018.
Pour rappel, ce dernier texte a créé au sein du Code des assurances un article L.511-2 imposant une obligation de formation au personnel des entreprises d’assurance ou de réassurance et au personnel des intermédiaires d’assurance et de réassurance « afin de maintenir un niveau de performance adéquat correspondant à la fonction qu'ils occupent et au marché concerné ». Les modalités de cette obligation, applicable à compter du 23 février 2019, devaient être précisées par décret.

C’est chose faite. L’article R 512-13-1 du Code des assurances prévoit que la durée de la formation ne peut être inférieure à 15 heures par an, en présentiel ou à distance. La liste des compétences, en fonction de la nature des produits distribués, des modes de distribution et des fonctions exercées, ainsi que le contenu et les caractéristiques des actions de formation ou de développement professionnel continus correspondantes doivent encore être précisés par arrêté ministériel. La publication de cet arrêté est donc à surveiller pour pouvoir, le cas échéant, adapter le plan de formation.
Cette exigence de formation s’ajoute à celles créées par l’ordonnance du 16 mai 2018 et qui entreront en vigueur le 1er octobre 2018.

Respect des obligations

Ainsi, dès l’automne prochain les responsables de l'activité de distribution d'assurances ou de réassurances, mais également « le personnel qui prend directement part à cette activité », devront posséder l'honorabilité nécessaire à leurs fonctions, selon les dispositions des I à VI de l'article L. 322-2 du Code des assurances (la justification du respect d’une telle condition pouvant, par exemple, s’effectuer par une attestation sur l’honneur du personnel concerné).

Les entreprises visées devront, en outre, être en mesure de justifier du respect de leurs obligations et notamment :
−   créer une fonction spécifique dans l’entreprise chargée d’assurer la bonne mise en œuvre des politiques et procédures internes, et communiquer le nom du responsable de cette fonction à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à sa demande,
−   s’assurer que leur personnel possède, préalablement au commencement de leur activité, les connaissances et aptitudes appropriées leur permettant de mener à bien leurs missions et de satisfaire à leurs obligations de manière adéquate,
−   tenir un registre contenant les documents pertinents relatifs à la formation du personnel et à la condition d’honorabilité, et le mettre à jour.

Système de rémunération variable

Par ailleurs, le système de rémunération variable devra avoir fait l’objet de vérifications et le cas échéant de corrections pour répondre, avant le 1er octobre 2018, aux exigences de l’article L 521-1 du Code des assurances selon lequel les distributeurs de produits d'assurance « ne rémunèrent pas ni n'évaluent les performances de leur personnel d'une façon qui contrevienne à leur obligation d'agir au mieux des intérêts du souscripteur ou de l'adhérent ».
En particulier, le distributeur de produit d’assurance « ne prend aucune disposition sous forme de rémunération, d'objectifs de vente ou autre qui pourrait l'encourager ou encourager son personnel à recommander un produit d'assurance particulier à un souscripteur éventuel ou à un adhérent éventuel alors que ce distributeur pourrait proposer un autre produit d'assurance correspondant mieux aux exigences et aux besoins du souscripteur éventuel ou de l'adhérent éventuel ».   

Les rétributions et autres avantages exclusivement ou principalement assis sur des critères quantitatifs (notamment lié au volume d’affaires) qui négligeraient de ce fait la satisfaction du client seront donc à exclure ou, à tout le moins, devront être contrebalancés par des critères qualitatifs qui valorisent le service fourni.
En pratique, le système de rémunération des collaborateurs distributeurs d’assurance pourrait être constitué, par exemple, d’un dispositif de de paiement différé, voire de reprise de commissions, ou encore, d’un dispositif de rémunération lié à la fidélisation de la clientèle. D’autant que le nouvel article L.521-3 du Code des assurances impose une certaine transparence dans ce domaine par l‘information du « souscripteur éventuel ou l'adhérent éventuel de la nature de la rémunération perçue par son personnel au titre de la distribution du contrat ».

Motivation et fidélisation des collaborateurs

L’anticipation de ces réformes est donc nécessaire pour d’une part, s’assurer du respect des nouvelles exigences professionnelles et organisationnelles applicables aux distributeurs d’assurance et d’autre part, et contribuer à la motivation et à la fidélisation des collaborateurs dans le cadre de critères de performances conformes à l’obligation d’agir au mieux des intérêts du client.  
Cette réflexion pourra également être utilement menée au regard de la politique de rémunération des membres du personnel exerçant des « fonctions clés » (gestion des risques, vérification de la conformité, audit interne et actuarielle (1)), mise en place dans l’entreprise conformément aux dispositions de la directive Solvabilité II et des textes de transposition.

En effet, et pour mémoire, la part variable de la rémunération de ces membres du personnel doit notamment (2) :
−  contenir des composantes « équilibrées de sorte que la composante fixe, ou garantie, représente une part suffisamment élevée de la rémunération totale » ;
−  comporter une composante modulable, à paiement différé (au moins 3 ans) pour les cas d’exposition aux risques actuels et futurs et en fonction du profil de risque et du coût du capital;
−  se fonder sur une évaluation combinée de la performance individuelle et du résultat global de l’entreprise (la part variable de la rémunération devant être indépendant de la performance « des unités et domaines opérationnels placés sous leur contrôle »).

L’ensemble de cette réglementation a ainsi pour objectif de contribuer au développement d’un marché de la distribution d’assurances garant des intérêts des clients et propre à limiter les risques, alors que le secteur continue sa mutation dans un contexte fortement concurrentiel. Les enjeux stratégiques et le choix des options méritent d’être soigneusement étudiés en amont.

Par Audrey Probst, avocat of counsel, et Lucie Querol, avocat, cabinet Fromont Briens

(1) Art. L. 354-1 du Code des assurances
(2) Réglement délégué no 2015/35 du 10 octobre 2014 - Article 275 I - 2

 
Source : Actualités du droit