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Bruno Frankiel, DRH du PMU : « La réforme de nos IRP était un préalable de la transformation sociale de l’entreprise »

Social - IRP et relations collectives
26/04/2018
Premier opérateur de paris en Europe, le PMU (1 350 salariés) a conclu, le 11 avril 2018, un accord sur la réforme de ses IRP, qui met en place le comité social et économique (CSE) ainsi que des représentants de proximité. Eclairages avec son DRH, Bruno Frankiel.
Liaisons Sociales Quotidien : En quoi l’accord du 11 avril 2018 créant le CSE est-il une première étape d’un « chantier de modernisation sociale » ?
 
Bruno Frankiel : Comme bon nombre d’entreprises, le PMU est engagé dans un vaste plan de transformation. La thématique sociale est l’une des composantes de cette transformation, en particulier sur des aspects qui touchent à la relation individuelle et collective du travail au PMU. Notre socle conventionnel peut en effet constituer un formidable levier à notre transformation et à notre raison d’être sur certains aspects. Mais il peut aussi être un frein ou être anachronique sur d’autres volets. Il convient dès lors de mettre ces sujets sur la table. C’est précisément ce que nous avons fait en amont des négociations sur les instances représentatives du personnel, en communiquant sur notre calendrier social et sur les différents chantiers que nous souhaitions aborder. Aussi, les nouvelles instances seront parties prenantes d’une façon ou d’une autre à ces discussions qui interviendront après nos élections professionnelles en juin. La réforme de nos IRP était un préalable (plus qu’une première étape) de la transformation sociale de l’entreprise.
 
LSQ : Le PMU a-t-il un mode de fonctionnement centralisé ou laisse-t-il de l’autonomie à ses directions et agences régionales ?
 
B. F. : Le mode de fonctionnement du PMU se veut de plus en plus décentralisé. Le cadre est fixé en central mais nous souhaitons que le local dispose de l’autonomie nécessaire à l’efficacité opérationnelle. Même si nous avions une préférence, nous avons proposé deux modèles d’organisation du CSE : un modèle avec CSE unique, un autre avec plusieurs CSE, ce qui aurait pu donner plus de poids au local. Or, majoritairement, le choix s’est porté sur un CSE unique par souci de simplicité (le fonctionnement actuel repose sur un seul CE) et afin de renforcer le caractère stratégique de l’instance unique. Il n’en reste pas moins que le rôle des managers locaux s’en trouvera également renforcé afin de traiter un maximum de sujets à leur niveau. Faute de quoi, le risque est que tout remonte au niveau du CSE unique et qu’il y ait un engorgement en central, le CSE perdant de sa substance stratégique.
 
LSQ : Vous avez signé votre accord relatif au CSE avec trois syndicats. Quelle est leur représentativité ?
 
B. F. : Les trois syndicats signataires sont la CAT (Confédération autonome du travail), la CFE-CGC et FO. À eux trois, ils représentent 80 % des suffrages aux dernières élections. L’organisation syndicale représentative et non signataire (CFDT) pèse pour sa part 16 %. Nous espérions obtenir un accord unanime mais, malgré les concessions faites par ce syndicat, les contreparties demandées n’étaient pas recevables à notre niveau.
 
LSQ : Le secrétaire du CSE sera dispensé d’activité professionnelle. La réforme accentue-t-elle son rôle de coordination ?
 
B. F. : Complètement. N’oublions pas que tout reste à construire dans la vraie vie, au-delà d’un accord purement théorique. En ce sens, le futur secrétaire du CSE aura un rôle absolument crucial de coordination, afin de préserver la mission de l’instance CSE. Faute de quoi, celle-ci risque de perdre sa raison d’être. La première année notamment, il aura également un rôle de modérateur, voire de médiateur, afin de ne pas saturer le CSE. Il paraît assez clair que sa mission sera primordiale et sensible. Nous-mêmes aurons également un rôle à jouer en matière de coordination, avec nos managers, qui devront encore plus qu’aujourd’hui, faire en sorte que bon nombre de sujets opérationnels soient traités à leur niveau et pas en central.
 
LSQ : L’accord crée 28 représentants de proximité. Avez-vous mesuré l’évolution du nombre de représentants du personnel ?
 
B. F. : Dès le début de la négociation, nous n’avons pas caché nos intentions sur cette réforme, qui portait sur la fusion des IRP mais aussi sur une mise à plat du droit syndical dans notre entreprise. Nous avons toujours considéré que, s’agissant d’une refonte des relations sociales induite par la fusion des instances, la question des moyens des IRP et du droit syndical devait aussi se poser. C’est ainsi qu’en ouverture nous avons clairement indiqué que notre objectif s’inscrivait dans l’esprit des ordonnances Macron, au travers d’un allègement et d’une simplification de nos obligations, tout en veillant à accroître l’autonomie des partenaires sociaux. Concrètement et sans hypocrisie, cela signifiait pour nous aboutir à un subtil dosage entre la rationalisation des IRP, notre volonté de changer les codes des relations sociales en innovant et expérimentant tout en veillant à maintenir un certain niveau de dialogue social. Au début des réunions paritaires, nous avions diffusé le nombre et le coût associé des IRP. Au final, cette fusion/mutualisation des instances aboutira à réduire par 3 le nombre de mandats et par 2,5 le nombre de jours de délégation. Ce n’est pas neutre, évidemment, mais ce qu’il faut retenir avant tout c’est que cette réforme nous donne l’opportunité de revisiter les façons d’aborder le dialogue social dans l’entreprise. La nouvelle structuration des IRP en CSE, commissions santé, sécurité, conditions de travail (CSSCT) et en représentants de proximité ne peut que nous obliger à changer notre approche des relations sociales. C’est valable pour toutes les parties, même s’il faut s’attendre à quelques tâtonnements et loupés au début. Il y aura une phase d’apprentissage pour tous. À nous tous d’apprendre et d’innover.

Propos recueillis par Michel Eicher
Source : Actualités du droit